Mauvais e-sprit.
Avez-vous peur de l'Internet ?

Après nous avoir fait croire qu'il y aurait un bug le 1er janvier 2000 et qu'il fallait, pour l'éviter, acheter du matériel neuf, les informaticiens récidivent : nous devons, à tout prix et donc très cher, acquérir des ordinateur Web-compatibles, Net-connectés et Wap-conforme. Voilà la nouvelle économie, appelée aussi "dot économie" parce que les entreprise du secteur se marie beaucoup. Cette nouvelle économie n'a qu'un but : vous piquer les vôtres. Pour y parvenir, la Toile emploie de grosses ficelle, vous faisant croire qu'Internet ne coûte rien aux utilisateurs et rapporte des millions à ses promoteurs. C'est faux, car le numérique exige le numéraire. L'e-business gonfle la Bourse en vidant votre porte-monnaie, tout cela Internet d'impôts, à travers des sites innocents, comme yapadarnak.com, filtonponion.org, vidtépoch.fr, amoilgrolo.com etc. Le seul moyen de leur résister est de se connecter sur tutfoudmagueul.fr, yapaécritpijon.com ou vavoirayeursijissui.org.

Car c'est le drame d'Internet : à peine avez-vous mordu à l'hameçon que vous voilà en ligne, et vous surfez au milieu des requins, génies pré-pubères qui, au lieu de tripoter les boutons que la nature leur a donné via l'acné, ont bidouillé ceux de leurs ordinateurs. Tout est possible sur le web. Par exemple, le chauffage par Internet : vous vous connecté à un site qui fait fondre votre disque dur ; cela vous coûte un peu cher en maintenance, mais vous économisez du mazout. Avec le Wap, vous pourrez bientôt commander du vin avec votre téléphone portable : il vous suffira de dévisser l'antenne et de téter l'embout pour déguster un margaux 1979. Parfois, c'est vrai, le web a ses ratés. Éviter les pédophiles, les sectes ou les trafiquants d'armes ne relève pas du surf, mais du slalom. Internet fournit les portails d'accès, pas les issus de secours. Vous commettez une faute d'orthographe lors d'une commande, et on vous livre un drapeau nazi, un poupée gonflable qui couine en 27 langues, une pizza au jambon fabriquée trois semaines plus tôt dans le Connecticut (7 235 $ de frais de port pour du porc pas frais) ou l'édition intégrale des chants en farsi du grand poète médiéval Ibn'el-Aboul Lhamonê Pouhin Efèr. S'il y a en plus un bug, vous réceptionnez une poupée gonflable farcie à la pizza et qui couine des chants nazis avec l'accent du Connecticut. Enfin, si on a piraté votre numéro de carte bancaire, vous recevez un e-mail du cartel de Medellin vous demandant pourquoi le Crédit Agricole de Paimpol refuse de payer 12 tonnes de cocaïne.

L'e-mail est l'autre piège du Web : à peine avez-vous une adresse que les gens s'e-mail de ce qui ne les regarde pas. Contre l'ancienne économie, les hippies faisaient des site-in ; avec la nouvelle, d'intarissables bavards, les e-pies, font des sites très in. Si vous créez le vôtre, sachez que, pour espérer des connections, vous devez poser nu sur la page d'accueil (tiens, je vais y pensez pour ce site !) ; c'est un peu comme s'il fallait s'asseoir sur sa boîte aux lettres pour recevoir du courrier. Avec une simple adresse, vous pouvez dialoguer : manipuler sa souris pour faire un chat, c'est le dernier cris. Au début, vous comprenez rien, c'est Babel Web, puis vous discutez avec la planète, vous offrant même des messages thaïlandais. Mais cela peut devenir un enfer :
" Si vous avez ouvert ce mail, il est trop tard, il contenait un virus qui viens de détruire votre disque dur." "Chéri, n'oublie pas de ramener du pain." "Sur Webstar, des solutions Webfast pour réussir votre dégroupage." "Chéri, j'ai fait du bœuf aux oignons." "Bongiorno, mi chiamo Luigi, yé vé té touer, mais si tou n'é pas d'accord, donné ton nouméro dé carte bancaire, on va s'arranger." "Chéri, j'avais oublié que tu étais allergique aux oignons ; tant pis, c'est trop tard, pense au pain." "Frère, la Valamouchie orientale, loin des médias, est ravagée par la guerre ; les Valamouches, fiers et indépendants, ont besoin de ton aide, clique sur Valamouchie-en-toute-liberté.org." "Chéri, dis à Paméla.fr que l'adresse e-mail qu'elle vient d'utiliser n'est pas celle de ton bureau ; par ailleurs, voici celle de mon avocat." "Atteint d'une effroyable tumeur au testicule gauche, tumeur dont le diamètre a aujourd'hui de 62 centimètres, Jérôme S., chômeur à Manchester, veut entrer dans le Guinness Book pour une autre raison : avoir reçu un nombre record d'e-mail." Après une telle lecture, vous faites des cauchemars : vous rêvez qu'un Valamouche, en toute liberté, vous occit d'un coup de testicule géant, tandis que l'avocat de votre femme assure le Webfast dégroupage de votre compte en banque et que Luigi se tape Pamela. Alors vous vous réveillez, trempé de sueur, en train de cliquer des dents.


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Bon, je pense quand même que personne aura pris au sérieux ce que je dis là, mais comme on sait jamais...

D'après un texte de Christophe Barbier, paru dans l'Express du 20/04/2000
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Dernière mise à jour :
20/04/2000

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